« Les politiques morales ne peuvent être du ressort exclusif de l’Etat… 

.., pour cette seule raison qu’elles n’entrent pas dans son coeur de métier séculaire, il ne saurait détenir le monopole des affects de la nation et des humeurs du peuple. »

David Djaïz est un jeune essayiste dont les écrits ouvrent des pistes d’avenir sur la société bloquée en France.

J’avais beaucoup apprécié son ouvrage « La guerre civile n’aura pas lieu » où il s’exprimait en ces mots en 2017, après les attentats de Paris (pages 136-139), mots qui résonnent toujours aujourd’hui :

S’imprimant au moyen des disciplines lorsqu’elles sont sécuritaires, les politiques pubiques peuvent être aussi matérielles et relèvent de la bonne répartition des richesses afin d’atteindre un optimum économique et une plus grande justice sociale. Elles correspondent davantage à la gouvernnce qu’à la souveraineté, ayant pour modèle l’Etat bienveillant qui se soucie du bonheur des citoyens à l’instar d’un père entourant ses enfants, selon l’image même qu’emploie Rousseau dans sa contribution à l’Encyclopédie sur l’économie politique, discipline d’un tel paradigme. (…)

Le registre des politiques matérielles n’est pas exclusif du répertoire des politiques sécuritaires. Il n’y a pas de contradiction ou de séparation entre l’Etat souverain, l’appareil policier, militaire ou judiciaire , et l’Etat gouvernemental, l’appareil économique, social, sanitaire, voire culturel. Dans nos systèmes modernes, les deux coexistent et s’enchevêtrent. 

Il existe néanmoins une troisième sorte de politiques publiques. Au contraire des deux précédentes qui sont en quelque sorte physiques, les politiques sécuritaires s’inscrivant dans la chair des corps, les politiques matérielles dans la tangibilité des richesses, les politiques morales ont affaire à l’imaginaire collectif. Aussi sont-elles difficiles à appréhender, précisément parce qu’impalpables. Les politiques morales s’intéressent à la part immatérielle d’un pays, à son histoire, à sa mémoire, à son éthos, à la place qu’occupent le fait religieux ou morale publique dans l’espace civique, et aux vertus publiques qui s’y développent. Elles ne peuvent être du ressort exclusif de l’Etat, pour cette seule raison qu’elles n’entrent pas dans son coeur de métier séculaire, il ne saurait détenir le monopole des affects de la nation et des humeurs du peuple. Tout ou plus peut-il les stimuler dans un sens ou dans un autre. Les politiques morales appellent à la participation active des citoyens et l’activation de la société. (…) Elles sont cette action destinée à orienter et à aiguiser la vertu publique pour arracher les Français à la spirale de la division. Elles ont l’avantage certain en ces temps de disette budgétaire de pouvoir être mises en place à bas coûtElles n’en demeurent pas moins extrêmement complexes et subtiles, ne relevant pas de décisions administratives à prendre et de leviers budgétaires ou juridiques à activer. Elles supposent au contraire un consentement civique élevé et la participation de la société des individus comme des masses spirituelles qui composent le corps politique.(…) Seules les politiques morales peuvent désamorcer la dynamique intestine à laquelle nous sommes en butte.

Aujourd’hui, le recours au récit de la Nation (s’il est non nationaliste et non souverainiste) dans le contexte actuel de la France (différent certes de celui des attentats) paraît indispensable pour tenter des désamorçer le risque de division d’un peuple en temps de crises (au pluriel évoquées par cette semaine par Edgar Morin). En revanche la Nation ne peut être invoquée d’en haut, car son inspiration vient d’en bas, surtout dans dans une crise sanitaire où l’hôpital (mais aussi tous les personnels des secteurs vitaux) fait bloc, autrement dit « fait Nation » dans sa lutte quotidienne contre la pandémie.

Cyrille Paquette, écrit en avril 2020.

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